La révision de la carte en Cour d’appel

Une coalition d’élus des Laurentides, du Centre-du-Québec et de l’Estrie demande la permission d’en appeler à la Cour d’appel sur une décision du tribunal de première instance. Celui-ci avait rejeté la requête pour contester l’adoption de la Loi 59, qui mettait fin au processus de révision de la carte électorale.
Cette décision du 29 mai permettait de garder intactes les deux circonscriptions de Bonaventure et de Gaspé en vue du scrutin d’octobre 2026, plutôt que de les fusionner comme proposé initialement.
À ce moment, le juge Alexander Pless rejetait la demande des élus des régions des Laurentides, du Centre-du-Québec, de la MRC Brome-Missisquoi et la Ville de Sherbrooke – contre le Directeur général des élections du Québec et le Procureur général du Québec – pour faire révoquer la Loi visant l’interruption du processus de délimitation des circonscriptions électorales, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec dans un vote unanime, le 2 mai 2024.
La commission chargée de redéfinir la carte électorale pour l’élection de 2026 et 2030 avait décidé de retirer une circonscription en Gaspésie pour créer Gaspé-Bonaventure. Une autre sur l’île de Montréal devait passer à la trappe pour en établir une nouvelle dans les Laurentides et une autre au Centre-du-Québec.
Front commun
Le regroupement des MRC de la Gaspésie avait argumenté lors des audiences qui ont eu lieu du 8 au 14 mai que la carte électorale sur la table était fortement préjudiciable au principe de représentativité effective, affectant de plein fouet la représentation de la Gaspésie dans les institutions démocratiques du Québec.
Dans l’avis d’appel transmis le 27 juin, la partie appelante affirme que la Cour supérieure a reconnu que la Loi 59 portait atteinte au droit de vote protégé par l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, mais a jugé que cette atteinte était justifiée selon l’article premier de la Charte.
Dans sa décision, le juge notait « qu’en principe, le vote de chacun doit porter un poids égal. Cependant, l’article 3 de la Charte garantit le droit à une représentation effective. Cela exige la prise en compte d’autres facteurs qui s’opposent à l’équivalence arithmétique stricte des votes ».
Mais il ajoutait que le Procureur général du Québec démontrait que la Loi était tout de même justifiée en vertu de l’article 1 de la Charte.
Plusieurs lésés
Les appelants notent aussi que le juge de première instance balaie du revers de la main l’option d’ajouter des circonscriptions en invoquant le fait qu’elle ne bénéficiait pas d’une forte majorité d’appuis à l’Assemblée nationale.
Ceux-ci entendent démontrer que le juge passe d’ailleurs sous silence la possibilité d’ajouter quatre circonscriptions sans imposer à la Commission de la représentation électorale l’endroit où les ajouter, une option qui a pourtant été évoquée par deux partis d’opposition et par rapport à laquelle le Procureur général du Québec n’a jamais expliqué pourquoi elle a été écartée.
Le groupe d’élus explique aussi que le tribunal de première instance a omis d’analyser que, pour protéger une seule circonscription en Gaspésie, le législateur a porté atteinte de façon importante au droit à la représentation effective d’un demi-million d’électeurs dans des circonscriptions en situation d’exception positive et a commis une erreur mixte de droit et de fait en concluant que la mesure est proportionnelle malgré des effets préjudiciables qu’il qualifie de « significatifs ».

Sous la loupe
Celui qui est partie au litige, le maire de Gaspé, Daniel Côté, indique avoir reçu la procédure et que les procureurs regardent les options dans tout ce dossier de carte électorale.
« On risque de recontester la demande d’appel. Sur le fond de la chose, nos procureurs regardent ça pour nous aider pour la suite. Je continue de croire que le jugement de première instance était très très bien fondé et reprenait l’essentiel de l’Arrêt Carter de la Cour suprême. »
La décision maintenait Bonaventure et Gaspé pour l’élection de 2026, mais le juge prévenait que pour l’élection subséquente, l’Assemblée nationale devait revoir la loi électorale pour protéger le peu de poids démocratique qui reste dans les régions.
« Je continue de croire au principe de la représentativité effective qui va bien au-delà du nombre d’électeurs par territoire donné », poursuit le maire.
Advenant le fait que la Cour d’appel entende la cause, le dossier pourrait se rendre jusqu’en Cour suprême. Daniel Côté ne croit pas que le plus haut tribunal du pays se repenche à nouveau sur le cas.
« C’est possible, mais la Cour suprême a déjà statué sur des recours similaires. À moins qu’on vienne remettre en doute le fondement de l’Arrêt Carter [de 1991]; que la société soit tellement différente qu’aujourd’hui, la Cour suprême s’y repenche à nouveau. Mais on n’en est pas là », croit-il.
« Mais le jugement est solide. Il n’est pas écrit sur un coin de table. C’est un jugement qui reprend l’essence de la Cour suprême et d’autres jurisprudences. Le jugement va vraiment très en profondeur. Tout jugement est attaquable devant la Cour d’appel, mais je trouve solide le jugement de première instance », avance le maire de Gaspé qui attend le positionnement des procureurs avant d’aller encore plus loin.
En rappel
La Commission de la représentation électorale suggérait de fusionner les circonscriptions de Gaspé et de Bonaventure, regroupant les MRC de La Côte-de-Gaspé, du Rocher-Percé, de Bonaventure et d’Avignon pour créer Gaspé-Bonaventure alors que la Haute-Gaspésie serait transférée dans la circonscription de Matane-Matapédia, au Bas-Saint-Laurent.
En date du 30 avril 2023, Bonaventure comptait 35 898 électeurs contre 30 131 pour Gaspé, loin du seuil minimum prévu. L’écart était respectivement de -29,2 % et -40,6 %.
Gaspé se classait ainsi au troisième rang des circonscriptions les moins populeuses, derrière les Îles-de-la-Madeleine qui a un statut d’exception, et Ungava.
Selon les projections du nombre d’électeurs basées sur les données de l’Institut de la statistique du Québec, l’écart par rapport à la moyenne de Gaspé devrait bientôt surpasser celui d’Ungava.
En 2017, la Commission avait maintenu le statut d’exception négative pour Gaspé et accordé le même statut pour Bonaventure.
Toutefois, puisque les inégalités de représentation de ces circonscriptions s’accentuent, l’organisation ne souhaitait pas renouveler ce statut.
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