Partenariat éolien dans l’Est-du-Québec

L’artillerie lourde a été déployée mercredi à Gaspé pour annoncer une entente tripartite qui pourrait mener au développement de 6000 mégawatts (MW) en éolien dans l’Est-du-Québec.
La Mi’gmawei Mawiomi Business Corporation (la MMBC, branche économique des communautés Mi’gmaq), l’Alliance de l’énergie de l’Est et Hydro-Québec travailleront maintenant de pair pour profiter des gisements éoliens encore inexploités dans la région.
Aucun nouveau parc n’a été officialisé mercredi, ni aucun lieu ni aucune précision supplémentaire pour les lignes de transport acheminant l’électricité vers l’ouest de la province.
L’entente entre les trois parties – notamment les Premières Nations – était cependant cruciale pour aller de l’avant dans les futures années, estime le premier ministre François Legault, présent pour l’occasion. Ce dernier n’a pas hésité à qualifier cette annonce de plus « gros projet dans l’histoire de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent ».
Des milliards de dollars
L’ampleur des projets envisagés pourrait représenter des investissements pouvant atteindre 18 milliards de dollars, voire quelque 20 milliards en incluant les lignes de transport inhérentes au transfert des précieux électrons. Les tenants et aboutissants restent toutefois à définir.
« Ça va se faire zone par zone. Il y aura ensuite des annonces faites une par une selon les projets individuels, mais c’est énorme comme projet. C’est une nouvelle extraordinaire […] Ça devient de plus en plus réel », se réjouit François Legault.
Le partenariat est séparé entre Hydro-Québec (50%) et les deux autres partenaires (50%), précise le premier ministre.
« Ça marque une étape décisive dans le développement de l’éolien dans l’Est-du-Québec », précise pour sa part la présidente-directrice générale d’Hydro-Québec, Claudine Bouchard, elle aussi présente pour l’occasion.
« Le partenariat annoncé aujourd’hui constitue le plus important engagement en matière de développement éolien en Amérique du Nord […] Ça appelle à renforcer le réseau de transport avec des lignes pour soutenir une croissance durable et ambitieuse. »

Vaste potentiel
Les gisements de vent dans l’Est-du-Québec sont connus depuis belle lurette. Une étude réalisée en 2005 indiquait que le potentiel éolien exploitable en Gaspésie (en dehors de certaines zones restrictives et considérant certaines mesures tampons) était de 17 000 mégawatts. La région arrivait au quatrième rang, loin derrière le Nord-du-Québec (3,5 millions de MW) et la Côte-Nord (362 000 MW), mais devant la plupart de ses consœurs, exception faite de Saguenay-Lac-Saint-Jean (40 300 MW).
Dans ses communications, le gouvernement provincial parle d’ailleurs de l’Est-du-Québec comme « le pôle stratégique de l’éolien au Québec. »
La capacité d’intégration au réseau intégré d’Hydro-Québec n’est cependant pas infinie. Les sous-réseaux électriques régionaux auxquels les installations de production sont raccordées sont un facteur limitatif. Les contraintes liées à la circulation de l’énergie électrique sur le réseau principal aussi.
En novembre, Hydro-Québec a annoncé une nouvelle ligne de transport d’environ 260 km de Chaudière-Appalaches jusqu’au Témiscouata (la phase 1). Le dossier n’en est cependant qu’à la phase d’avant-projet. La mise en service est prévue en 2034. Une autre ligne de 175 km (la phase 2) devrait se rendre jusqu’à Avignon, en 2036.
Le dossier du « goulot d’étranglement » à Rivière-du-Loup a maintes fois fait partie des discussions dans le passé. « La phase 1 a été lancée, mais si on veut être capable d’avoir 6000 MW, il faut qu’une partie soit exportable. Il faut que la ligne soit faite aussi. Tout est lancé aujourd’hui », souligne François Legault, questionné sur ce dossier.
Ce potentiel de 6000 MW pourrait alimenter jusqu’à 1 million de foyers dans la province.
Acceptabilité sociale
La MMBC, l’Alliance de l’énergie de l’Est et Hydro-Québec amorcent maintenant une démarche conjointe pour évaluer l’acceptabilité sociale et environnementale au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie.
L’Alliance de l’énergie de l’Est avait déjà préparé le terrain en juillet en partageant les résultats d’un sondage. Celui-ci montrait que 87% des personnes interrogées dans ces deux secteurs appuyaient l’installation d’éoliennes dans leur région. La proportion diminuait à 67 % pour des éoliennes directement dans leur municipalité.
L’acceptabilité sociale est une condition sine qua non au développement éolien selon plusieurs, dont la ministre de l’Énergie, Christine Fréchette. Celle-ci était aussi à Gaspé mercredi.
« Il faut saluer à quel point le défi de l’acceptabilité sociale a été relevé avec brio. J’espère que ce modèle va se démultiplier […] Vous êtes allés au-delà en générant de la désirabilité sociale. C’est créatif et innovant. Chapeau pour avoir réussi à ficeler ce modèle. »
« C’est un modèle que je voudrais voir dans toutes les régions du Québec », renchérit François Legault.

Les retombées
Depuis 2017, l’Alliance de l’énergie de l’Est a permis aux communautés de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent et aux Premières Nations de toucher plus de 90 millions de dollars en bénéfices éoliens.
Aujourd’hui, l’Alliance regroupe la quasi-totalité des 227 municipalités et nations autochtones du territoire. Les revenus éoliens sont ainsi partagés à hauteur d’un tiers pour la Gaspésie et deux tiers pour le Bas-Saint-Laurent.
Le président de l’Alliance, Michel Lagacé, espère pouvoir tirer parti de 10% en retombées économiques locales sur les investissements potentiels de 18 milliards, donc 1,8 milliard. Il s’agit d’un minimum, selon François Legault.
Le premier ministre n’a cependant pas voulu se mouiller avec un décret officiel pour une exigence de contenu local. Il souhaite tout de même des retombées maximales pour la région.
« Si ça existe [le produit], ça devrait être acheté ici. Charité bien ordonnée commence par soi-même […] Il y aura le maximum possible qui sera acheté localement et régionalement. Le message est très clair dans tous les ministères et les sociétés d’État. Il faut acheter au Québec le plus possible. »
Quant aux Premières Nations, celles-ci ont salué l’officialisation de la démarche. « Aujourd’hui marque une étape importante pour les Mi’gmaq. Ce projet reflète notre vision commune d’un avenir énergétique durable sur notre territoire. C’est plus qu’un projet, c’est un partenariat basé sur la confiance et le respect », conclut Frédéric Vicaire, directeur général de la MMBC.
Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, était également à Gaspé.