Pénurie de logement, nouvelle normalité?

La situation du logement au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie révèle une réalité préoccupante: ce qui était autrefois une crise ponctuelle semble être devenu la nouvelle norme.
La crise du logement s’enracine. Les témoignages recueillis auprès d’intervenants du milieu dressent le portrait d’un marché immobilier sous tension, où l’accessibilité devient un luxe.
À Rimouski, le cocoordonnateur du Comité logement Bas-Saint-Laurent le confirme: la situation s’atrophie. «On est dans une situation de crise et de pénurie de logements qui continuent de se faire sentir depuis quelques années, constate Alexandre Cadieux. La situation est en train de se scléroser, comme si c’était devenu la nouvelle réalité.»
«Les premières années où cette pénurie a touché le Bas-Saint-Laurent, soit en 2020 et 2021, c’était vraiment particulier, poursuit le porte-parole de l’organisme. Maintenant, la situation est là pour rester.»
Quand le logement abordable devient introuvable
L’expérience de deux employés du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine illustre parfaitement les défis actuels dans la Baie-des-Chaleurs. Malgré leurs recherches actives et leur réseau de contacts, les seules offres qu’ils ont reçues concernaient des logements de 4 pièces et demie à plus de 1350$ par mois. Ceux-ci sont dans le marché privé et sont pratiquement neufs. Ceci fait dire au directeur général de l’organisme, Ambroise Henry, qu’il n’y a pas de logements abordables ou, s’il y en a, ils sont rares.
Au-delà des statistiques, les intervenants constatent que la crise s’inscrit donc dans un contexte économique plus large. «C’est une crise d’accès à un logement qu’on est capable de se payer», résume M. Henry. Il rappelle que la règle des 30% du revenu qui devraient être consacrés au logement inclut tous les coûts, y compris l’électricité et les assurances. De plus, l’inflation des dernières années, causée notamment par l’augmentation du coût du panier d’épicerie et par le transport, réduit encore plus la capacité financière des ménages.
«Le coût du loyer n’est pas une dépense qui est compressible, rappelle M. Henry. Les gens coupent alors dans d’autres dépenses: la bouffe, les loisirs et tout ce qu’ils peuvent. Les salaires ont évolué, mais pas à la même vitesse que les loyers et les hypothèques!»

Paradoxe inquiétant
Cette situation révèle un paradoxe inquiétant: même si le secteur privé continue de construire, le marché risque d’être bientôt saturé. «On va se retrouver un peu comme à Montréal, où le taux d’inoccupation augmente parce que les gens n’ont plus les moyens de se payer un logement», appréhende M. Henry.
En somme, la crise dans l’Est-du-Québec révèle les limites d’un marché laissé aux seules forces privées. Entre pénurie structurelle et spéculation, les locataires font face à une réalité où se loger décemment devient un défi quotidien, transformant ainsi un besoin fondamental en privilège économique.
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