Pour du homard en pêche récréative

Avec les informations d’Alice Young – Il n’y a pas que de ce côté-ci du fleuve que l’idée d’une pêche récréative au homard fait son chemin. À la mi-juin, sur la Côte-Nord, environ 200 personnes ont manifesté en ce sens.
Des homards ont notamment été pêchés illégalement et mangés sur place. Aucune intervention directe des autorités n’a eu lieu, malgré ces actes de désobéissance civile. Pêches et Océans Canada a tout de même scruté l’événement à distance. Stéphane Boudreau, président de l’Association chasse et pêche de Havre-Saint-Pierre, s’est dit satisfait du rassemblement.
Quelques Innus d’Ekuanitshit étaient présents à la mobilisation. Le rassemblement a d’ailleurs eu lieu sur un site prêté par la communauté. Le regroupement de pêcheurs amateurs nord-côtiers attend impatiemment la réaction de la nouvelle ministre des Pêches et des Océans dans le cabinet de Mark Carney, Joanne Thompson.
De ce côté aussi
En Gaspésie, Ensemble pour un accès aux ressources marines promeut depuis plusieurs mois déjà l’accessibilité à la mer et ses ressources pour les résidents du Québec.
« Chaque année, on voit des réseaux de braconnage. Chaque année, il y a des touristes qui vont dans l’eau et sortent des homards. [Si on autorise la pêche personnelle], il n’y en aura pas plus. […] Mais est-ce que ça ne vaut pas la peine de mettre du temps pour éduquer les gens là-dessus ? », expliquait en octobre le président Hugo Daniel dans les pages du Devoir (Initiative de journalisme local).
« Faut pas le voir comme une menace pour les pêches commerciales. On parle d’un prélèvement qui représente une goutte d’eau dans l’océan. Tout dépend de la manière qu’on le fait et de la portion de la mer qu’on prend pour notre assiette », ajoutait Gabriel Bourgault-Faucher de l’organisme Mange ton Saint-Laurent.
Ailleurs, la Colombie-Britannique autorise la pêche au crabe dormeur, au crabe rouge et à la crevette pour la consommation personnelle (avec permis). Il n’y a cependant que peu de homard dans ce secteur. Au Nouveau-Brunswick, la cueillette de mollusques n’est pas passible d’une amende.
Pas demain la veille
Avant son départ à la tête de Pêches et Océans Canada, Diane Lebouthillier avait catégoriquement refusé d’envisager la voie de la pêche récréative au homard. Elle encouragerait plutôt tout le monde à se procurer du homard chez leur poissonnier, selon des propos rapportés par Radio-Canada.
Les associations de pêcheurs se montrent eux aussi fortement défavorables à cette idée. Ils craignent qu’une boîte de Pandore ne soit ouverte menant à une gestion anarchique de la ressource. Des associations comme le Regroupement des pêcheurs professionnels de la Gaspésie ont investi temps et argent depuis plusieurs années déjà pour conserver cet équilibre précaire entre l’écologie et l’économie.
« Considérant l’ampleur des ressources qui devraient être consacrées non seulement pour le développement, mais aussi pour le suivi des activités afin d’en minimiser les impacts sur l’état de la ressource, le MPO n’a pas l’intention de permettre une pêche récréative du homard », a indiqué Pêches et Océans Canada par courriel.
Le ministère rappelle que les ressources sont déjà mobilisées pour encadrer les pêches des Premières Nations et les pêches commerciales. Le MPO note qu’il faudrait déployer une structure de gouvernance, une surveillance accrue des activités de pêche et un mécanisme de suivi des débarquements pour encadrer adéquatement l’activité, ce qui n’est pas simple ni gratuit.

(Photo fournie par le Regroupement des pêcheurs professionnels de la Gaspésie)
Un cueilleur en faveur
Pour Antoine Nicolas, cueilleur d’algues à Gaspé, biologiste de formation et fondateur de l’entreprise Un Océan de saveurs, l’idée est loin d’être mauvaise. À condition que le tout soit bien encadré; balisé d’une façon responsable et durable. Il ne voit pas l’arrivée de potentiels autocueilleurs ou pêcheurs récréatifs comme une concurrence déloyale.
Interrogé sur la question en octobre, il rappelait qu’il est déjà possible de pêcher soi-même certaines espèces. Comme le maquereau et la truite par exemple. Ou d’en chasser d’autres, comme l’orignal et le chevreuil. « Je pense que ça doit être encadré par des permis payants, avec un plan de gestion pour ne pas que ce soit le free for all, avec un contingent de disponibilité de ces ressources. Les quantités devraient être à déclarer, comme pour une pêche professionnelle, avec un réel suivi. Des gens le font de toute manière et braconnent le homard ou cueillent des algues par eux-mêmes. »