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Aréna de Gaspé : une question à 20 M$

Le maire de Gaspé, Daniel Côté, devant l’aréna de Gaspé. (Photo Le Soir – Jean-Philippe Thibault)

Dans le coin A : un projet de nouvel aréna. Dans le coin B : un autre projet de nouvel aréna. Les deux demandent un financement identique de Québec.

Pour analyser les dossiers, une grille d’évaluation est mise sur pied par le gouvernement. Les critères comprennent différents éléments : leur qualité et leur pertinence, leur accessibilité, l’urgence de l’intervention, la collaboration avec le milieu et leur vision de développement durable (comme des mesures d’économie d’énergie, par exemple).

Résultat final : le projet A reçoit une note de 72,87 (sur 100). Le projet B obtient un score de 66,38. Lequel des deux sera choisi? Le projet B.

Incompréhension

Le projet A est celui du nouvel aréna à Gaspé. Le B est celui de Sept-Îles. Les deux villes ont soumis leur candidature dans le plus récent Programme d’aide financière aux infrastructures récréatives, sportives et de plein air – le PAFIRSPA – une enveloppe de Québec qui était assortie d’un montant de 300 millions de dollars.

Les demandes étaient énormes (2,7 milliards) pour se doter de nouvelles installations souvent arrivées à leur fin de vie utile. Des choix déchirants ont nécessairement dû être faits, surtout qu’il était impossible de répondre positivement à tous les grands projets qui requéraient le maximum possible, soit 20 millions de dollars.

Sauf qu’à demande d’investissement égale, pourquoi un projet ayant obtenu une meilleure note est laissé de côté, alors qu’un autre ayant moins bien été évalué se fait dire oui? Voilà la question à 20 millions de dollars à laquelle tente toujours de répondre le maire de Gaspé, Daniel Côté. D’autant plus que parmi toutes les demandes de la province, le projet d’aréna dans la plus grande ville de la région était classé au 19e rang, selon des documents obtenus en vertu d’une demande d’accès à l’information. Celui de Sept-Îles arrivait au 47e échelon. Sur la Côte-Nord, l’excavation est débutée. À Gaspé, les élus et les citoyens rongent leur frein.

Les 25 projets les mieux classés selon le ministère de l’Éducation. En vert, ceux qui ont été acceptés dans l’enveloppe du PAFIRSPA. En rouge, ceux qui ont été déclinés.
Les projets 26 à 50 les mieux classés selon le ministère de l’Éducation. En vert, ceux qui ont été acceptés dans l’enveloppe du PAFIRSPA. En rouge, ceux qui ont été déclinés.

« On a posé plein de questions et on est allés en quête d’information, mais on ressort avec encore plus d’interrogations qu’avant, lance dubitatif le premier magistrat. Les critères supposément objectifs nous semblent complètement bafoués avec des résultats loufoques. J’ai vu que le 227e projet avait par exemple été accepté. Pourquoi? »

Pas le seul déterminant

De son côté, le ministère de l’Éducation indique qu’en raison des disparités importantes entre les projets (leur envergure, le montant d’aide financière demandée, le type de projet), d’autres critères devaient aussi être considérés pour assurer une sélection dite équitable et diversifiée afin d’assurer une représentativité régionale. « Ainsi, le pointage final ne pouvait être le seul déterminant de sélection », explique par courriel Esther Chouinard, responsable des relations de presse aux ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

Or, aucun projet majeur n’a été retenu dans la région, en Gaspésie. La rénovation de la piscine municipale de Sainte-Anne-des-Monts, qui arrive au 13e rang dans la province (note de 74,6) n’a pas été sélectionnée. Plus à l’ouest, à Matane – au Bas-Saint-Laurent – la construction du complexe aquatique a toutefois obtenu le feu vert avec une aide presque maximale de 19 millions. Le projet arrivait d’ailleurs en tête de lice dans toute la province (score de 84,79). Daniel Côté demeure cependant pantois devant cet énoncé de représentativité régionale et de pointage final, qui ultimement n’est pas un gage de garanti.

« Est-ce que ce sont des répartitions d’enveloppes en fonction de groupes de régions administratives, avec par exemple tout l’Est-du-Québec en incluant la Côte-Nord? Si oui, démographiquement, on est similaires à eux, mais notre projet est arrivé devant, ce qui ne fait toujours pas de sens. Est-ce que c’est en fonction des territoires des ministres régionaux? Ça peut arriver. C’est illogique, mais qu’ils nous le disent et qu’on le comprenne parce que là, on est dans le néant. »

Vers 2027

Le maire s’interroge d’autant plus sur l’objectivité relative de toute la démarche devant le manque de réponses à ses interrogations et de ce qu’il juge comme un manque de transparence. « On m’avait bien dit que le politique ne se mêlait pas des décisions, mais clairement il y a une façon de regarder les projets retenus qui n’est pas totalement objective, parce que si la décision avait tout simplement suivi la grille d’analyse du ministère, il y avait assez d’argent dans l’enveloppe pour couvrir les 19 premiers projets, dont le nôtre. Si ça avait été le cas, on serait en train de construire un nouvel aréna. »

Rappelons que plus de 300 projets ont été retenus dans le PAFIRSPA, mais seulement cinq ont obtenu le financement maximal ou tout près, comme à Matane. (À noter que l’un d’eux, le projet de construction d’un complexe culturel et sportif mené par le Centre de services scolaire de la Côte-du-Sud, n’a obtenu aucun pointage ni aucune évaluation selon les documents fournis par le service d’accès à l’information, décrochant tout de même au passage 20 des 300 millions disponibles dans l’enveloppe.)

« S’il y a d’autres critères de pondération qui ne sont pas écrits, qui les établit?, renchérit Daniel Côté. Ils sont où et comment ils sont appliqués? On l’ignore. Est-ce qu’on a fait la technique du saupoudrage au lieu de tout simplement prioriser les meilleurs projets? On n’est vraiment pas convaincus que ce soit une décision seulement avec des critères préétablis. C’est fâchant et incompréhensible! »

Rien pour faire avaler la pilule, la prochaine ronde de financement du PAFIRSPA n’est prévue que pour l’exercice financier 2027-2028, avec à la clef 60 millions de dollars. Une somme de 300 millions est inscrite au budget sur six ans, jusqu’en 2031, ce qui laisse présager que plusieurs autres projets majeurs devront attendre. « On a interpellé le cabinet de la ministre [des Sports, Isabelle Charest]. Ce qu’on a comme réponse, c’est du vague et du flou. J’ai l’impression qu’ils ne sont pas capables de justifier leur propre décision. C’est n’importe quoi et pendant ce temps, on attend toujours notre aréna », conclut Daniel Côté.

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