Transports en déroute en Gaspésie

L’enjeu des transports en Gaspésie et dans l’Est-du-Québec revient ponctuellement dans l’actualité. Les Publications Le Soir en font aujourd’hui un tour de piste.
Il y a maintenant plus de 10 ans que Québec a racheté le chemin de fer de la Gaspésie. En mars 2015, le gouvernement de Philippe Couillard en faisait l’acquisition et annonçait plus tard en 2017 un premier montant de 100 millions de dollars pour en assurer la réfection complète jusqu’à Gaspé.
Dix ans plus tard, toujours aucune locomotive ne s’est rendue jusqu’au bout de la pointe gaspésienne, tant pour les marchandises que les passagers. Le dernier train de VIA Rail vu à Gaspé remonte à décembre 2011. Entre espoir et désespoir, élus et acteurs économiques ont vécu plusieurs montagnes russes. La dernière en date est celle du 11 avril, alors que le ministère des Transports suspendait deux portions de contrats de réfection entre Port-Daniel et Gaspé « afin de réaliser une réévaluation approfondie des interventions prévues ainsi que de la stratégie d’ensemble », tel que le rapportait le quotidien Le Soleil.
Dans le passé « en réalisation », le chemin de fer de la Gaspésie avait aussi été rétrogradé à « en planification » dans le plus récent Plan québécois des infrastructures (PQI). La réhabilitation du rail a été repoussée sept fois en huit ans.
Au gouvernement, on assure que le projet demeure une priorité et qu’il s’agit d’un projet important. Sur le terrain, plusieurs sont inquiets de voir ce dossier névralgique pour la région prendre du retard. Le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a souligné que la somme manquante pour le projet gaspésien semble être similaire à celle qui a été annoncée récemment pour des études géotechniques pour le troisième lien à Québec.
Le maire de Gaspé, Daniel Côté, se pose lui aussi la question. « Je suis en train de me demander si c’est l’argent du chemin de fer de la Gaspésie qu’on met dans un troisième lien à Québec. Nous, on aimerait juste avoir notre premier lien ferroviaire, un acquis qu’on a déjà eu. C’est un projet structurant pour les 100 prochaines années. Je me demande si on a cette vision-là à Québec. »
« On a très peu d’informations pour le moment, ajoute Daniel Côté. Je ne ressens pas énormément d’engouement présentement de la part du gouvernement. On sent que c’était une priorité, mais tout ça ne semble plus trop tenir la route aujourd’hui. On continue d’y croire, mais ce n’est pas rassurant […] C’était une promesse. Je l’ai entendue de la bouche du premier ministre et on s’est serré la main; c’était clair. Je suis tanné de me battre pour des acquis. »
De son côté, VIA Rail a toujours indiqué qu’il reviendrait en Gaspésie seulement lorsque le chemin de fer serait prêt dans son ensemble, de Matapédia à Gaspé.

Transport par autocar
Avant de quitter son Gaspé natal il y a quelques années, l’histoire Fabien Sinnett avait indiqué à l’auteur de ces lignes que ce qui l’avait le plus marqué depuis son enfance était la dégradation du transport. Le train ne siffle plus. Même si elle est une péninsule, aucun service de traversier n’est présent en Gaspésie. Celui de Matane est fragile (nous y reviendrons).
Par la route, certaines municipalités sont à risque d’être enclavées en raison de l’érosion côtière, comme Sainte-Madeleine-de-la-rivière-Madeleine en 2023. Une partie du transport par autocar doit quant à lui être subventionné par les MRC de la région, à hauteur de 7500 $ par année. Deux départs de Gaspé se font quotidiennement – par le sud et par le nord – et prennent environ 8 h 30 pour se rendre jusqu’à Rimouski.
« C’est clairement un recul, lance Daniel Côté. On subventionne en échange d’avoir une desserte de Gaspé vers le sud, jusqu’à Grande-Rivière, avec certains arrêts qui ne sont pas couverts par Keolis [le transporteur]. La qualité de service est de moins en moins là, avec des arrêts sur des perrons d’église. C’est de plus en plus discutable. Globalement, en transport, est-ce qu’il y a des gens qui prennent vraiment en considération nos aspirations et nos volontés de développement? Je suis rendu à me poser certaines questions là-dessus », conclut-il.

Matane–Côte-Nord : lien encore inefficace
Un texte de Dominique Fortier – Bien qu’il soit essentiel au transport des citoyens et travailleurs ainsi qu’à l’économie de la région, le traversier reliant Matane à la Côte-Nord n’est pas toujours fiable, engendrant ainsi de l’imprévisibilité et des frustrations chez les usagers et les élus.
Nul besoin de rappeler l’historique du F.-A.-Gauthier qui a souvent fait les manchettes pour les mauvaises raisons. Bris fréquents, défauts de fabrication, coûts astronomiques et manque de fiabilité ont tristement fait la réputation de ce navire bâti en Italie. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Au moment d’écrire ces lignes, le F.-A.-Gauthier était en cale sèche pour des travaux d’entretien, ce qui signifie le retour du petit navire scandinave Saaremaa en relève jusqu’au 1er juin.
« Le transport fluvial amène son lot d’incertitudes, indique le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé. Les bris sur le F.-A.-Gauthier sont trop fréquents et le Saaremaa est mal adapté à nos conditions météorologiques, ce qui apporte des conséquences importantes lors des annulations. C’est pourquoi j’ai demandé une “assurance traversée” afin que les gens qui doivent faire le tour par Québec reçoivent une indemnisation pour l’essence, les repas et les nuitées au besoin. » Selon le député, cette assurance forcerait la Société des traversiers du Québec (STQ) a être plus vigilante avec le lien fluvial.
Une relève fiable ?
Quant au Saaremaa, il est clairement indiqué par la STQ comme étant le navire de relève du F.-A.-Gauthier. Du même souffle, on annonce que ce même Saaremaa sera le navire principal pour la traverse Saint-Siméon–Cacouna en 2028. Ce qui amène la question suivante.
Qui prendra la relève à Matane si le Saaremaa subit un bris pendant qu’il assure la relève à Matane ? À cette question, la STQ est demeurée muette. Le responsable des communications à STQ, Bruno Verreault, indique que le Saaremaa fournit un service fiable et prévisible.
« Il est adapté pour réaliser les traversées entre le Bas-Saint-Laurent et la Côte-Nord. Il a les certifications requises pour naviguer dans cette portion du fleuve Saint-Laurent. De plus, pour les conditions météorologiques, la STQ avise les clients de modifications de service possible pour cette raison en émettant une alerte d’information. »
Bref, les transports sont difficiles. Mais il y aurait de l’espoir dans le domaine aérien. La suite en cliquant sur ce lien.